à Anne et Nathalie

Cela fait bien longtemps que je n'ai pas joué de la Fimo.
J'ai des périodes. Des passions fugitives plus ou moins longues.

Ca m'avait beaucoup amusé de fabriquer des perles principalement pour ensuite les monter en bijoux.

J'ai fait ce collier pour une amie qui m'est chère et si j'osais, je lui en ferai plein d'autres parce que j'aime la voir porter mes créations le matin quand je la croise de temps en temps sur le chemin de l'école.
J'aime la façon dont elle les marie avec ses vêtements et alors, ils prennent une autre dimension.
J'aime me dire que quand elle le choisi le matin, elle a peut-être une pensée pour moi.
J'aime imaginer que peut-être aussi dans la journée une copine à elle lui dira "-tiens ! il est sympa ton collier" et qu'elle répondra "c'est une amie qui me l'a fait."

Et pourtant, à l'intérieur de moi il y a toujours le doute.
Le porte-t-elle parce qu'il lui plait vraiment ou pour me faire plaisir. Comme ces cadeaux que l'on planque dans un coin et que l'on ressort vite quand on a un diner.

Pendant longtemps, je n'ai pas offert mes créations.
A cause de ce doute. Est-ce un manque de confiance ? La peur de décevoir ?

Pour la petite histoire -sortez vos mouchoirs, on s'en va dans le lointain passé d'Esper...

A l'âge de 15 ans, j'ai commencé à peindre. Il était clair que je n'étais pas une Picasso en herbe. Je mettais tout mon coeur, toute ma rage d'ado en malmenant les textures de la peinture à l'huile. Mais mes images parlaient. Elles n'étaient pas peut-être pas des oeuvres artistiques mais bel et bien des images du coeur et des tripes.
Mon père n'en disait rien, il ignorait. Ma mère assénait régulièrement un "je ne mettrai pas ça dans mon salon". Et moi j'entendais : "c'est nul, ça ne vaut rien" et en mon fort intérieur s'inscrivait un monumental "je suis nulle, je ne vaux rien".
Il n'y avait que mes profs de dessin qui décelaient quelque chose chez moi, qui m'encourageaient. Mais leur regard n'avait pas la valeur du regard de mon père et de ma mère.
On a beau ne pas créer pour une approbation, la reconnaissance et le respect de ses ainés est à mon avis fondamentale.

Alors me direz-vous, passer de la peinture à un collier... il y a un ravin entre les deux non ?
Non.
Parce que de ce passé sans appui, sans reconnaissance est né le doute perpétuel et le manque de confiance en soi. La grande blessure du "je suis nulle" s'est refermée avec le temps mais subsiste une toute petite voix qui instille le doute.
Même si avec le temps, on apprend à reconnaitre soi-même quand notre travail artistique a une valeur parce qu'il est abouti, qu'on a "bien travaillé" ; que l'on peut transmettre l'oeuvre à autrui pour la faire vivre autrement... franchir le pas et attendre le regard qui assénera la vérité, qui confirmera la petite voix... c'est tellement dur.
Quant à mettre la barre toujours plus haut pour essayer d'avoir l'approbation de mes pairs, sachant qu'elle n'était jamais assez haute pour les satisfaire, que naturellement je ne pourrai jamais l'atteindre... au point un jour d'avoir tout arrêté, épuisée d'avoir ramé dans le vide.

Heureusement que le temps, les années, la maturité nous aident à nous construire tout seul, à nous délester... je croyais tant que mes parents, eux possédaient la vérité... alors qu'ils ne savaient rien. Ils n'ont jamais pris un pinceau. Ils n'ont jamais exprimé quoi que ce soi, comme moi. Et le doute que je ressens aujourd'hui, n'est plus le doute de mes capacités, mais le doute du plaisir que je vais offrir à la personne à qui je destine mon oeuvre. Et ça n'a rien à voir.

Probable que les enfants à qui on aura appris à avoir confiance en leur propre jugement, leurs choix et leurs convictions pourront, eux, transmettre à autrui avec générosité. Ceci étant valable bien évidemment aussi dans l'expression des sentiments.
Quand je vois mes filles capables d'inventer des chorégraphies, de chanter à tue-tête devant un public, qu'elles rayonnent comme des soleils, je me dis que le regard rempli d'admiration que je leur porte les comble de cette force qui permet d'aller au-delà... de leurs doutes.

Demain soir, je vais dîner chez Nathalie, une amie que je ne connais pas depuis très longtemps.
Un jour, en discutant avec elle, elle m'a offert un énorme cadeau. Elle m'a dit : "Esper', tu es ta meilleure geôlière !". Je me suis rendue compte que je m'étais enfermée dans ma propre prison tellement j'avais peur du regard des autres, tellement j'avais peur de revivre celui de mes parents au point que le doute de mes capacités m'avait anéanti.
J'ai cherché la clé de ma prison. Je l'avais perdue, évidemment, c'était il y a si longtemps !!
Je l'ai retrouvée et j'ai entrouvert la porte. Et je suis sortie.

Aujourd'hui, mes pinceaux dansent tous les jours. Et je me sens légère.
Je suis très fière quand Anne porte mes colliers.
Et demain, j'en offrirai un à Nathalie et je ne scruterai pas son visage à la recherche d'une pointe de désapprobation : je serai au contraire heureuse de voir se dessiner un sourire et je m'autoriserai à me remplir de sa joie.

Et vous ? Connaissez-vous ou avez-vous connu ces sentiments, ces doutes ?
Les avez-vous vaincus ?

Que c'est compliqué d'être un humain...

Comments

[3xrien]

Aucun doute à avoir: il est superbe et c'est pour ça qu'elle le porte!

[Géraldine]

en tout cas, moi je suis pas très colliers et bijoux en général, quoi que je trouve ça beau, j'en porte pas. Mais celui que tu montres en photo là, il est super joli, j'aime les grosses perles qui ressemble à des biscuits, trempés dans le chocolat ... ;-)

[anne29]

coucou esper'

moi aussi j'ai connu ce sentiment de "je suis nulle" mais on as tous des talents!!
les parents ne sont pas toujours de bons moteurs!! malheureusement!
moi c'était la musique encouragée par mon père!! j'étais douée !! mais arrêt pour cause professionnelle et maintenant faf!! plus le temps ni l'envie!
mais grace à TON forum ,je fais plein de choses, j'ai découvert la fimo, le serviettage, les perles!!
et toi tu as un talent fou!! j'adore tes dessins, tes bijoux et surtout ton coeur immense!!

bisous et continue à nous faire rêver !!

[minouche]

ne pas douter...se dire que dans les yeux de quelqu'un on est la meilleure, c'est ce qui donne la force de continuer...Il y a toujours des personnes qui ne comprennent ou n'apprécient pas ce qu'on fait, c'est vrai que quand c'est les parents çà marque...je le vis avec mon p'tit loup, que son père "descend" régulièrement...Chez nous, il ne trouve qu'encouragement et admiration...c'est le seul moyen de se sentir bien...j'ai trop douté de moi pour ne pas comprendre ce que tu dis...maintenant je "m'aime", et c'est tellement plus facile, aussi pour mon entourage...
Sors de ta prison et sois fière de toi...en plus, vu ce que tu nous montres de tes créations, être fière de toi est tout à fait légitime.
Bises

[dentellenoire]

OH J4AIME BEAUCOUP TON COLLIER ET TA PHOTO...TU DEVRAIS FAIRE DE LA FIMO PLUS SOUVENT